1. Alain Régus, vous êtes auteur de romans mais vous êtes également un grand passionné de théâtre. D’ailleurs, vous avez même écrit et monté plusieurs spectacles. Quel en est votre plus beau souvenir ?
Une merveilleuse représentation d'un de mes solos au Théâtre du Grand Rond à Toulouse. La salle était pleine et réceptive. Cette représentation m'a permis d'obtenir le prix « off » du printemps du rire en 2005.
2. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’écriture de romans? Pourquoi écrivez-vous ? Pour qui écrivez-vous ?
Je rêvais quand j'étais gamin d'être acteur et écrivain. J'avais réalisé le 1er rêve, pas le second.
J'écris poussé par un désir très fort, une urgence, une sorte d'évidence. Je ne me pose pas la question de savoir pour qui j'écris. Le lecteur est une « variante » totalement inconnue au moment de la rédaction.
3. Comment définissez-vous votre style d’écriture ?
J'essaye d'avoir un style « musical » avec une alternance de phrases courtes et longues. Je me relis tout le temps à haute voix. Je pense que c'est l'influence du théâtre.
4. Avez-vous vos habitudes lors de l’écriture des romans ? Quel est votre processus ?
Aucune habitude particulière à part de me lever tôt le matin. C'est le moment où mon esprit est le plus disponible.
5. Le processus d’écriture de pièces de théâtre diffère-t-il de celui de l’écriture de roman ? Si oui, en quoi ?
Quand on écrit pour le théâtre on « voit » ce qu'on écrit interprété par des acteurs. On écrit pour des êtres de chair. On met des mots dans la bouche des gens. Quand on écrit un roman les mots ne sont pas prévus pour être « incarnés ».
6. Comment avez-vous réussi à vous mettre en contact avec votre première maison d’édition ?
Elle organisait un concours de nouvelles. Je l'ai gagné. C'est elle qui m'a ensuite demandé d'autres textes.
7. Vous avez récemment réédité votre roman « Le journal d’Eva Braun », un roman basé sur des faits historiques puisqu’il retrace la vie d’Eva Braun aux côtés d’Adolf Hitler. L’écriture a été assez longue. Comment avez-vous procédé lors des recherches et de l’écriture ?
J'ai lu tout ce qui a été écrit directement ou indirectement sur Eva Braun. Internet facilite énormément aujourd'hui la recherche de documents. Ensuite il faut croiser ces sources pour en vérifier l'authenticité. J'ai établi une chronologie d'événements historiques qui a servi de trame à la rédaction du « journal ». Le pari était pour moi d'écrire à la première personne à la place d'une femme. Pari tenu d'après les lectrices.
8. Quelles sont vos inspirations ?
La vie de tous les jours, mes joies, mes angoisses, mes qualités et mes lacunes. Ce qui m'enchante et me révolte chez l'être humain.
9. Avez-vous déjà pensé à faire traduire vos romans ou vos pièces de théâtre vers d’autres langues ?
Si une maison d'édition est prête à le faire j'en serai ravi. Mais je n'ai pas de démarche particulière à faire. C'est à une maison d'édition à l'étranger de prendre contact avec ma maison d'édition actuelle.
10. Pensez-vous que la traduction est primordiale pour la culture et la littérature ? Auriez-vous un conseil à donner aux jeunes souhaitant se lancer dans le monde de l’écriture et du théâtre ?
La traduction permet de sortir de ses frontières, de toucher un public plus large. C'est bien sûr très important. Un conseil : si vous sentez en vous le besoin urgent d'écrire il faut le faire. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Soyez sincère, authentique et humble.
Marie Serillon
1. Scheherezade, nous savons que vous êtes une traductrice connue et reconnue et que depuis votre plus jeune âge vous aimiez les langues. Est-ce cette passion qui vous a amené à vous lancer dans cette profession ce qui perdure et consolide chacun de vos clients, de vos collègues professionnels et de vos élèves ? Quel est l’ingrédient secret selon vous (ou, au moins, l’un d’entre eux) pour ne pas renoncer à l’acharnement lorsque l’on commence sa carrière dans la traduction de manière autonome ?
Sans doute, la passion est ce qui te donne des forces pendant les moments de saturations ou de débordement de travail. Avec la solitude qui peut être présente dans cette profession et les difficultés pour organiser le travail, il est nécessaire d’être passionné dans ce que tu fais. En fait, l’idée de créer un blog et d’ouvrir un compte Twitter, par exemple, m’est venue car je voulais partager ces petites (ou grandes) choses de la profession que peut-être seulement nous pouvions comprendre.
D’autres ingrédients importants sont la persévérance et la patience. Au début il faut frapper à de nombreuses portes, remplir de nombreux formulaires, envoyer beaucoup de courriers et réaliser beaucoup d’essais de traductions, mais peu à peu tout arrive à qui sait attendre. Il faut rechigner à créer un fichier de clients et ensuite il faut bien travailler pour le garder. Souvent, je pense que notre profession est une amie exigeante dans ce cas et, comme n’importe quelle relation, il faut s’en occuper tous les jours.
2. De ce que l’on peut entendre et de ce que l’on peut voir, tant sur votre page web www.las1001traducciones.com, que sur votre blog enlalunadebabel.wordpress.com, vous avez un profil multi faces dans le champ de la traduction et de l’interprétation : vous êtes une écrivaine active sur votre blog ; vous faites des discours, donnez des cours et accordez des entrevues ; et vous vous dédiez à la traduction littéraire et audiovisuelle (si je m’en souviens de tout…) Comment arrivez-vous à tout concilier ? Et en plus, avec qualité?
Si la question sous-jacente est si j’utilise des portails temporels, non, je crains que non, et si c’était le cas je ne pourrais pas vous le dire. Non, sérieusement, je crois que c’est une question de se préparer psychologiquement. Avec le travail j’essaie d’être très consciente au niveau des délais pour les respecter et ne pas y aller avec la langue à la dernière minute, même si ce n’est pas toujours facile. En ce qui concerne le blog et les réseaux sociaux, je les considère comme parties intégrantes de mon travail et donc j’essaie de les actualiser fréquemment. Par chance, on peut laisser les contenus préparés et il est parfaitement possible de mener à bien le travail et la partie la plus sociale.
En ce qui concerne les discours et les entrevues, j’essaie toujours de trouver du temps, même si parfois c’est difficile, comme c’est le cas dernièrement puisque – heureusement, et je ne vais pas m’en plaindre- j’ai beaucoup de travail. Je dis toujours que c’est un honneur d’être invitée à des journées de traduction et des conférences, parce que même si je suis très présente sur les réseaux, je me considère plus comme une ouvrière de la traduction.
A propos du fait d’arriver à tout faire bien, et bien, j’essaie. Il y’aura toujours des détracteurs, comme toujours, mais avec la passion de ce que tu fais, l’illusion de partager et l’envie d’aider, on peut réussir beaucoup de choses. Et si j’ai des trucs pour cela, j’en aurais deux à vous donner : je me donne un délai et je note tout. Si non, avec autant de chose en tête, je peux facilement oublier.
3. En particulier et en référence à votre blog enlalunadebabel.wordpress.com, qu’est ce qui vous a poussé à publier de manière si active des thèmes en lien avec le langage et les langues, et par conséquent, à publier sur la traduction et l’interprétation ? Vous avez une touche spéciale pour certains sujets qui peuvent être considérés comme polémiques ou tabous, selon qui les lit, sans blesser les sentiments de quiconque et, de plus, sans cachotteries, vous allez droit. Qu'est-ce qui vous pousse à écrire ou à choisir le sujet ?
J’ai ouvert le blog en 2001 après avoir fini mon Master en traduction audiovisuelle (UAB). Une professeure nous a donné quelques ficèles sur des questions de travail et ce fût l’une de ses recommandations. J’ai commencé à faire le tour du thème et j’en suis arrivé à la conclusion que serait bien de partager avec les autres toutes les choses qui m’arrivaient au travail, les difficultés que je rencontrais ou les sujets linguistiques sur lesquels tu ne peux pas parler avec tes amis qui ne sont pas traducteurs (oui, tu peux parler de ces choses, bien-sûr, mais tu es plus touché ou tu t’enflammes plus sur certains sujets qu’eux… et à la fin tu finis par donner un discours).
En ce qui concerne le traitement des thèmes, j’essaie toujours de faire attention lors des démarches pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que je n’ai pas la vérité absolue sur tout, et je ne suis pas experte en la matière sur tous les thèmes ; je donne simplement ma vision des choses selon si je les ai trouvé en traduisant, par exemple. Je crois aussi que le respect est toujours essentiel. En ce sens et en général, nous parlons souvent d’erreur de traduction, mais nous ne connaissons pas le contexte de ce travail, les conditions dans lesquelles le traducteur devait travailler ou combien de personnes ont mis leurs mains à la pâte pour ce film, ce livre, etc.
Le choix des thèmes dépend de plusieurs facteurs. J’ai une liste sur laquelle je note les articles que j’aimerais écrire (les conseils pour trouver du travail dans la traduction éditoriale, les fansubs animés, les erreurs typiques des débutants, les référents culturels dans les romans chicklit, etc.) et ensuite les idées qui te viennent à l’instant « i » après avoir lu une nouvelle ou quelque chose que tu as découvert par hasard. Le fil conducteur est toujours les langues ou la traduction, mais souvent les réflexions viennent de plus loin. C'est-à-dire que je n’ai aucune stratégie de SEO ni rien pour le style : j’écris toujours sur ce que j’aimerais lire.
4. Comme vous le savez, à www.algoparatraducir.com nous voulons rapprocher les groupes si proches et parfois distants, d’un même monde : celui des passionnés des lettres, ce qui nous dédions à la traduction, à écrire des livres ou à les publier. Selon vous, quelle est la situation espagnole actuelle (et étrangère, si vous connaissez le cas d’un autre pays) de la traduction littéraire ? Pensez-vous qu’il y a une certaine compréhension depuis le début de la relation professionnelle ou, au contrai re, pour en entamer une il faut rompre un fil qui semble être en fer forgé ?
On dit normalement qu’il est difficile de trouver du travail dans la traduction littéraire en Espagne et c’est une réalité. Souvent les éditeurs ont déjà des traducteurs de confiance à qui ils font appel et à qui ils confient les traductions, mais il y a toujours des possibilités. De plus, au cours des dernières années sont apparues des maisons d’éditions indépendantes et cela ne se sait jamais. Pour cela je recommande toujours d’être au courant de ce qui se publie, même si c’est de plus en plus lié directement aux librairies.
Si l’on va au-delà de ce premier « écueil », c’est sûr qu’il faut négocier aussi pour garder des tarifs et des conditions adéquates. Les délais sont en général très courts pour l’attention dont on doit faire preuve lorsqu’on traduit le texte et la rétribution ne compense généralement pas. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les maisons d’éditions qui ne lâchent rien, mais nous sommes là, il faut essayer.
5. En tant que traducteurs et écrivains, nous considérons que la traduction littéraire joue un rôle important au niveau culturel, social et même éducatif. Qu’en pensez-vous ?
Il en est ainsi, sans aucun doute. Et pas seulement la traduction littéraire, prenons l'exemple du grand nombre d'articles de journaux traduits qui nous apportent des réalités que nous ne connaissons pas ou dont ne nous sommes pas pleinement conscients. Mais oui, la traduction éditoriale, tout comme le transfert de la pensée et de l'environnement socioculturel de l'auteur, de son expérience dans un contexte particulier, ne peut que nous enrichir. Et je ne parle pas seulement des romans sensés, mais, aussi de ce que les autres appellent «petits romans d’aéroport." Je crois que vous pouvez toujours tout apprendre dans une mesure plus ou moins grande.
6. Le pourcentage de livres traduits en Espagne est élevé, si je ne me trompe pas, il tourne autour de 60% par rapport aux livres publiés. En fait, en comparaison avec le Royaume-Uni, qui distingue littérature et literature in translation, pour nous tout représente de la littérature. Lorsque nous entrons dans une librairie ou une bibliothèque nous ne posons pas en général cette question « excusez-moi, où se trouve la section des ‘livres traduits’ ? » De plus, comme vous le savez, les tarifs de la traduction littéraire sont les plus bas. Selon vous, pourquoi en sommes-nous arrivé à cette situation ? Ce n’est pas moins important ni plus facile que d’autres types de traductions.
Le lecteur occasionnel ne prête surement pas attention à la traduction, c’est comme si elle n’existait pas. Souvent je crois que nombreuses sont les personnes qui pensent que c’est une machine qui le fait, sans plus… ou quelques petits lutins. Le lecteur invétéré peut être plus conscient, mais même ainsi, comme vous le dites si bien, non, il ne s’interroge pas ni ne s’intéresse à la traduction, sauf si vous êtes vraiment au cœur du métier. Par chance, d’un autre coté, les livres traduits et les non traduits se concilient à égalité dans les librairies et les bibliothèques.
Et oui, ils sont bas par rapport à tout le travail que cela comporte. Il est plus bénéfique au niveau salarial de traduire un manuel technique de deux-cent pages qu’un roman de la même extension. Je suppose qu’ils se cachent derrière l’idée que ce que nous facturons pour le livre traduit est considéré comme une sorte d'avance à ce que vous allez gagner des ventes, bien que le traducteur ne prend généralement pas de bénéfices de ce livre, sauf si c’est un grand succès commercial, comme était par exemple la trilogie Cinquante nuances de Grey. Bien sûr, pour le travail en cause, il devrait être mieux payé.
7. Les livres se font connaître par les auteurs, cependant, dans les pays où la langue diffère de celle de l’auteur, ils se font connaître grâce au travail des traducteurs. Au lieu de vous demander quel est votre écrivain préféré, qui est votre traducteur littéraire préféré? Pourquoi? Quel est le livre le plus célèbre qu’il ait traduit?
Mon traducteur préféré ? Miguel Sáenz, sans doute. Pour moi il est un authentique gentleman de la traduction, surtout pour traduire de grands écrivains comme Kafka, Faulkner, Rushdiey Grass. Il a traduit de grandes œuvres et livres de grand calibre, mais je préfère la traduction de L’histoire sans fin pour des raisons purement émotives et parce que ce fût mon livre de chevet lorsque j’étais petite (et encore plus après avoir vu le peu de justice qu’ils ont fait avec le film). Et, bien sûr, aussi pour les difficultés que le livre devait supposer, avec autant de références culturelles, de néologismes et d’inventions terminologiques, des rimes, etc.
De plus, Sáenz est l’auteur d’une des meilleures citations que j’ai lu sur la traduction : «Traducir es la forma más atenta e intensa de leer; además, da el placer de escribir sin el dolor del que tiene que crear algo totalmente nuevo» (« Traduire c’est la façon la plus attentive et intense pour lire; de plus, cela donne aussi le plaisir d'écrire sans la douleur de celui qui doit créer quelque chose totalement de nouveau »).
8. En ce qui concerne la question précédente et notre profession, selon vous, quelles sont les qualités adéquates pour être ou pour devenir un excellent traducteur littéraire?
Lire beaucoup et avoir une bonne plume. Vous devez bien vous défendre avec l'écriture, avoir bon bagage culturel et une curiosité à parts égales. Chaque livre est un monde différent et parfois vous devez les saisir avec un casque colonial et de bonnes jumelles pour pouvoir lire entre les lignes. Chaque livre est une nouvelle aventure à découvrir qui vous fait apprendre des différentes choses à chaque fois, même si au début on ne le voit pas.
Rien de plus précis? Savoir noter et oser rompre avec le texte. Peut-être que dans une traduction technique il y a plus de répétitions et vous aurez besoin de plus vous en tenir au texte, mais dans un roman, une histoire, il faut oser changer, respecter l'auteur et en même temps réussir à garder un ton si fluide et naturel à tel point que personne ne se dirait que c’est une traduction. Il faut faire en sorte que de notre pièce traduite les coutures de la langue originale n’en ressorte pas.
9. Nous savons que les traductions vieillissent. Pensez-vous que se produit à une fréquence plus ou moins élevée dans les traductions littéraires ? Pensez-vous qu’elles puissent survivre plus longtemps? Devrait-on les retraduire – ou les retranscrire- de temps en temps ?
Je pense qu'en fin de compte on retraduit pour des raisons commerciales et non pour une question de vieillissement pur de la traduction. Personnellement, j'aime lire de vieux romans qui ont été traduits il y a longtemps et peut laisser un arrière-goût du passé. Pour moi, il est bon de prévaloir la traduction originale et je ne considère pas qu'une grande œuvre ait besoin d’être révisé périodiquement. Il est bien de comparer ensuite les versions, bien sûr, parce qu'il y a différentes façons de lire, de comprendre et de soutirer le texte, mais je ne le juge pas nécessaire.
Et en ce qui concerne les traductions en elles-mêmes, avec tout le dévouement que vous mettez pour ne pas utiliser de localismes ou des expressions qui pourraient se démoder en un clin d’œil, à telle époque et tel lieu, on utilise plus certaines locutions que d’autres et elles laisseront toujours une trace. Cependant, il faut penser que cela succède à l’œuvre originale, qui elle, est écrite et marqué dans son temps.
10. Enfin, je vais vous demander de donner des conseils ou, sinon, au moins, une suggestion, à un traducteur de romans et un traducteur qui passe du temps dans la profession. Pour affiner un peu, concentrons-nous sur les littéraires.
Peut-être que cela semble une banalité, mais mon conseil est de travailler et de ne pas cesser d'apprendre, et tout cela sans perdre patience. Patience pour ceux qui débutent et qui ne voient pas la lumière, parce que si vous continuez à frapper aux portes, si les documents soumis aux éditeurs sont préparés, si vous ne vous laissez pas démotiver par les commentaires négatifs (« La traduction littéraire est un monde très fermé ») tout vient à qui sait attendre. Tout n’est pas rose, mais ce n’est pas non plus noir comme la poix.
Aux collègues qui prennent déjà du temps, soyez aussi patients quand viennent les saisons avec moins de travail, parce que nous savons que cela est comme une montagne russe. Et ayez l’envie de continuer à apprendre; lire beaucoup et apprendre davantage sur ce qui se passe dans le monde de la traduction, car nous ne sommes pas dans une tour d'ivoire et il y a toujours mille choses à apprendre pour continuer à s’améliorer.
Mª Carmen de Bernardo Martínez
Traduit par Marie Serillon
1. Au premier abord vous n’aviez pas choisi d’être traductrice, mais la traduction était votre « premier amour ». Pourquoi avoir changé d’avis suite après un début de carrière n’ayant aucun rapport avec la linguistique ?
J’ai été diplômé en langues anglo-saxonne, scandinave et celte jumelé avec les langues modernes. Comme ce n’était pas directement en lien avec la traduction, je n’avais pas vraiment reçu de conseils sur comment entrer dans le monde de la traduction, ainsi j’ai d’abord commencé ma carrière dans un tout autre registre : l’expertise. Après quelques années dans le métier, j’ai décidé de démissionner, et grâce à cela et à mes années d’expérience acquises en business, j’étais décidé à me lancer en tant que traductrice indépendante, un métier que je poursuis brillamment depuis environ 20 ans.
2. Qu’est-ce qui a été le plus difficile lorsque vous avez commencé en tant que traductrice indépendante ?
C’était plutôt une question de confiance, de trouver des contacts, et donc de trouver du travail. Cela m’a pris quelques années pour établir un réseau de clients (je travaille principalement pour des agences de traduction, dans mon domaine de traduction commerciale), mais une fois ce réseau obtenu, dû à mon bon travail, j’ai rapidement eu à ma charge tout le travail que je pouvais assumer, si ce n’est plus. Mon expérience en tant qu’expert m’a tout d’abord permis de me spécialiser sur des sujets relatifs à la construction, l’architecture et le droit, et mon travail de traductrice était donc au début principalement commercial. Au fil des années, j’ai réussi à obtenir un pourcentage croissant de traduction littéraire, tout comme mon propre écrit de fiction.
3. Que conseilleriez-vous aux nouveaux traducteurs qui souhaitent entreprendre cette voie ?
Comme je l’ai dit, c’est une question de persévérance, avoir confiance en ses compétences et établir le plus de relations possible. Penser à ses connaissances et à ses compétences spécialisées et les utiliser comme moyen pour se vendre. Il existe de supers réseaux parmi les traducteurs, puisque c’est une large profession indépendante, et j’ai toujours trouvé des collègues traducteurs ravis de m’aider et de m’apporter leur soutien.
4. Le rôle des traducteurs et des interprètes sont parfois confus vu de l’extérieur. Pensez-vous que des stéréotypes ont été créés sur les traducteurs (ou interprètes) ?
Je ne suis pas sûre qu’il y’ait des stéréotypes, mais certainement, ce que nous faisons nécessite une explicationà propos de la différence entre la traduction et l’interprétation, mais aussi sur le fait que les traducteurs (moi également) ont l’habitude de traduire d’une langue étrangère vers leur langue native. Nous devons souvent expliquer la nature de la facturation de notre travail, et le fait qu’un devis ne peut pas toujours être donné, particulièrement pour un texte ou une demande spéciale, sans avoir examiné le texte auparavant.
5. Votre premier roman ayant été publié s’intitule SomeoneElse’sConflict. Quels ont été vos motivations au moment de l’écrire? Avez-vous pensé à en écrire un nouveau?
J’ai commence à écrire de la fiction il y a à peu près quinze ans, une conséquence indirecte de mon déménagement aux Pays de Galles et l’apprentissage de la langue galloise. Le roman lui-même s’est inspiré de mon amour pour la narration orale (le personnage principal étant un conteur de contes) et une fascination grandissante pour les Balkans et la récente culture et histoire de la région, qui forme le fond de l’histoire. Je voulais présenter les aspects du conflit en Croatie qui sont peu connus au Royaume-Uni, puisque la guerre en Bosnie avait lieu aumême moment, et a attiréla plupart de mon attention à cette époque.
Je suis actuellement entrain de commencer un second roman et j’espère avoir une carrière d’écrivain de fiction à côté de mon métier de traductrice littéraire.
6. Selon vous, quels sont les problèmes rencontrés par les éditeurs étrangers lorsqu’ils souhaitent faire traduire votre livre ?
Ma connaissance sur le marché de l’édition est pour le moment limitée à ce que j’ai appris lors de la publication de mon premier roman, donc j’ai très peu de connaissance sur les problèmes que les éditeurs peuvent rencontrer. A ce jour, le roman a été très bien reçu au Royaume-Uni, et même si une grande partie de l’histoire se situe dans l’Angleterre actuelle, j’espère que le fond de l’histoire en Croatie lance un appel vers l’international.
7. Pensez-vous qu’il existe une âme cachée d’écrivain en chaque traducteur ? Quelle différence ressentez-vous au moment de traduire et au moment d’écrire ?
J’approuve grandement le fait que pour bien traduire, il est également important de bien comprendre la langue source afin de pouvoir bien écrire dans la langue cible. Une traduction littéraire est un écrit et un travail à part entière, bien que ce soit les mots de l'auteur original que vous transmettez. Donc, chaque traducteur littéraire est aussi un auteur. Beaucoup de traducteurs littéraires écrivent aussi, même si ce n’est pas un argument, et que ça ne doit pas en être un.
Lorsque je traduis un travail de fiction je me sens concerné parles personnages et l'histoire, bien que ce ne soit pas aussi intense ou obsédant qu'avec les personnages et l'histoire de propres travaux, parce que les personnages et l’intrigue sont déjà présents, déjà créés. Je ne suis pas actrice, mais j'imagine que traduire de la fiction c’est un peu comme un acteur exécutant un rôle, en contraste avecle dramaturge qui l'a écrit. Tous les deux apportent quelque chose d'eux-mêmes à la performance finale. Autrement dit, traduire une fiction c’est un peu comme quand je travaille sur le deuxième brouillon d'un de mes romans.
8. Comme les traducteurs et les écrivains, nous pensons que la littérature au sein de la traduction joue un rôle important dans la culture, la société et l’éducation. Qu’en pensez-vous ?
La littérature est une chance directe d’apprendre différentes cultures, de s’immerger et de se sentir impliquée, d’avoir des points de vue différents de ceux de notre propre pays. Etre capable de lire la littérature venant des quatre coins du monde aide à casser les frontières et d’encourager la compréhension. La traduction est le moyen de rendre la littérature internationale accessible à chacun de nous, quelle que soit la langue parlée.
9. Il existe plusieurs prix dans le monde anglo-saxon (Marsh Award for Children’sLiterature in Translation, Gulf CoastPrize in Translation, PopescuPrize, etc.) conçus pour booster la traduction en anglais de la littérature étrangère. Etant donné que le pourcentage de livres traduits au Royaume-Uni représente environ 4%, dans quelle mesure pensez-vous que ces initiatives apportent un encouragement à la traduction de la littérature ?
Je pense que sur un marché intérieur, compétitif et bondé, n’importe quelle solution proposée pouvant relever le profil de la littérature au sein de la traduction est de bonne augureJ’estime que la littérature traduite est plutôt oubliée au Royaume-Uni, mais les choses changent doucement, et les récompenses et les prix ne peuvent qu’aider ce processus, et donner un coup de pouce largement nécessaire aux carrières destraducteurs indépendants.
10. Quelle est votre opinion sur l’avenir de la traduction ? Et sur l’avenir de la littérature au cœur de la traduction ?
Certaines personnes s’inquiètent du fait que la traduction automatique puisse remplacer la traduction humaine et mettre un terme à la profession. En ce qui me concerne, je n’y crois pas du tout. Comme je l’ai dit précédemment, la capacité à écrire est essentielle pour effectuer une bonne traduction, qu’elle soit littéraire ou commerciale, et il faudra beaucoup de temps, si cela se produit, avant que l’intelligence artificielle ne puisse « penser » avec assez de créativité afin de réaliser la traduction. Cela peut rentre la situation extrêmement compétitive, mais il y aura toujours une place pour les bons traducteurs.
En ce qui concerne la littérature au cœur de la traduction, les dispositions changent. J'espère que la mondialisation et la conscience toujours croissante mènent à une demande accrue de lecteurs pour la traduction de la littérature étrangère Sur un marché de l’édition encombré cela peut prendre un peu de temps avant que les éditeurs traditionnels ne prêtent plus d'attention à ce style de littérature mais la petite presse,qui se concentre sur la qualité de la traduction littéraire, et utilisant souvent des méthodes d’abonnement ou de financement participatif, prouvent qu'il est possible de réussir.
Mª Carmen de Bernardo Martínez
Traduit par Marie Serillon